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Des conséquences juridiques du crash OVH

Tech&droit - Start-up, Données
21/11/2017
Des milliers d’utilisateurs, professionnels ou particuliers, ont eu la surprise, le 9 novembre 2017, de constater que leur site internet était indisponible. En effet, l’hébergeur français OVH était victime d’une panne électrique empêchant l’approvisionnement de ses serveurs pendant plusieurs heures. Pour rappel, OVH gère plus de quatre millions de noms de domaine, et donc, potentiellement, autant de sites impactés. Le point sur la responsabilité contractuelle d'OVH, avec Arnaud Touati, avocat associé, co-fondateur du cabinet Alto Avocats, et Gary Cohen, collaborateur.
Impact de cette panne
Au-delà de la simple exaspération et des nombreuses personnes forcées au chômage technique ce jour-là, il semble opportun de s’interroger sur les éventuelles conséquences, sur le plan légal, de cette défaillance grandeur XXL. En effet, très rares sont les entreprises capables, au XXIe siècle, de mener convenablement une activité sans passer par l’exploitation d’un site internet, véritable vitrine géante et à moindre coût des services proposés.

Ainsi, sans cet outil de travail, on peut craindre une certaine baisse du chiffre d’affaires ou, en tout cas, se heurter à une impossibilité avérée de prospecter de nouveaux clients ou, pire encore, de leur permettre de réaliser leurs achats. Quid donc de ce trouble commercial, de cette perte de commandes ou encore de l’atteinte à l’image de la marque, directement imputables au crash des serveurs OVH ?

Point sur la protection contractuelle
Le premier réflexe à avoir est celui d’aller consulter les modalités d’engagement des utilisateurs avec OVH en se référant aux conditions générales de vente et d’utilisation. Ainsi, à la lecture de ce document, il apparaît un article 5.3 « Exonération de responsabilité » permettant à OVH de se soustraire de toute action en justice dans certains cas. Et justement, l’éventualité de « dommages indirects tels que, notamment, préjudice ou trouble commercial (…) » a été prévue par la société française : « La responsabilité d’OVH ne pourra en aucun cas être engagée sur les fondements suivants : (…) (c) dommages indirects tels que, notamment, préjudice ou trouble commercial, perte de commandes, perte d’exploitation, atteinte à l'image de marque, perte de bénéfices ou de clients (par exemple, divulgation inopportune d'informations confidentielles les concernant par suite de défectuosité ou de piratage du système, action d'un tiers contre le client, etc.) ». Par conséquent, et contractuellement parlant, le client n’est pas en mesure de poursuivre OVH en réparation de son préjudice à ce titre.

Néanmoins, les professionnels peuvent encore se rattacher à la jurisprudence dite Chronopost (Cass. com., 22 oct. 1996, n° 93-18.632), selon laquelle une partie au contrat ne saurait manquer à son obligation essentielle au contrat tout en s’exonérant de toute responsabilité. Reste donc à savoir si cette panne, de courte durée on le rappelle, est susceptible d’entrer sous ce champ d’application.

Relevons également que, depuis le 1er octobre 2016 (Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr.), l’article 1171 du Code civil prévoit que, dans le cadre d’un contrat d’adhésion (ce qui est typique de conditions générales), toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrite (sauf que ce déséquilibre ne s’apprécie pas au regard de l’objet principal du contrat…).

Quant aux particuliers, le Code de la consommation vient à leur secours en prévoyant l’interdiction des clauses abusives. Ainsi, l’article R. 212-1 de ce code (D. n° 2016-884, 29 juin 2016, JO 30 juin) dispose qu’est irréfragablement présumée abusive la clause ayant pour objet ou effet de « Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ». Ainsi, il paraît envisageable d’y faire entrer la clause suscitée figurant aux conditions générales OVH… 
Source : Actualités du droit