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Image  Getty @bubaone

Quand la blockchain challenge aussi les jeux vidéo…

Tech&droit - Blockchain, Données
23/07/2018
Multiplication des jeux vidéo blockchain natifs, recours à certaines propriétés identifiées de cette technologie pour sécuriser et renouveler les phases de jeux. L’avenir des jeux vidéo pourrait bien, également, être challengé par la blockchain. Un enjeu pour les développeurs comme les joueurs, mais aussi pour les juristes. Les explications d’Arnaud Touati, avocat associé du cabinet ALTO AVOCATS et Tom Ha, stagiaire.
Plusieurs jeux tirant parti deses avantages des blockchains ont déjà vu le jour. Le plus connu est certainement CryptoKitties, développé sur la blockchain ethereum par une start-up canadienne (Axiom Zen), mais on peut également citer Leci Gou, lancé par le géant chinois Baid eou encore Spells of Genesis, créé par la société suisse EverdreamSoft.
 
En parallèle, sont également apparues des plates-formes de téléchargement de jeux, des marketplaces qui offrent aux joueurs la possibilité de les revendre ou de les échanger grâce aux blockchains, comme Robot Cache, par exemple.
 
Ce que permettent les blockchains dans le gaming
De nombreuses applications sont imaginables. Le site internet Gameblog (Les blockchains, révolution du jeu vidéo ?, 21 mars 2018) en relève certaines, fondées notamment sur la tokenisation des items (autrement dénommé « troc digital ») :
  • La conservation de personnages ou d'objets d'un jeu à l'autre ;
  • la spéculation au sein de la communauté ;
  • L’augmentation de la valeur d'éléments de jeu : « on pourrait imaginer que la détention d'un élément de jeu pourrait servir d'accès à la beta d'un prochain jeu, de preuve de statut quelconque, ou même d'invitation à un événement spécifique, comme un tournoi » ;
  • Le prêt de personnages, ses objets, etc. : e « vous pourriez par exemple céder l'utilisation de votre super personnage à un pote, ou lui permettre de jouer en votre absence sans recourir aux jeux physiques. On pourrait aussi imaginer ainsi des personnages presque toujours en ligne, joués à chaque tranche horaire par une personne différente, chacune vivant dans son propre fuseau horaire » ;
  • La valorisation des capacités d'un joueur et son investissement dans un jeu : un joueur pourrait monnayer une compétence spécifique pour améliorer les objets d'autres joueurs ou joueuse, e voire céder son score ;
  • La création d’un contenu personnalisée : « avec l'UGC (User Generated Content), via blockchain, les joueurs pourraient créer des quêtes, ou des contrats pour d'autres joueurs, transférables, reproductibles, et sécurisés ».
Ubisoft, à travers son Strategic innovation Lab, explore les potentialités de la blockchain pour améliorer l’expérience de jeu. Cette société a ainsi conçu un prototype nommé « Hashcraft » qui a permis de tester la possibilité pour un joueur de créer sa propre île et de la partager avec la communauté (v. Paris M., Why Ubisoft is experimenting with blockchain, 24 mai 2018). Un nœud de réseau stocke alors l’historique des transactions passées, mais aussi certaines données liées au contenu généré par l’utilisateur.

La blockchain permettrait donc de créer de nouveaux types de communautés, au sein desquelles les joueurs pourraient créer des objets et les changer en temps réel dans le jeu, mais également être récompensés pour leur implication, proportionnellement à leurs efforts.

Une amélioration de la sécurité des échanges et de la transparence
L’infrastructure blockchain va permettre de matérialiser la notion de propriété virtuelle et de faciliter l’échange de biens immatériels. Concrètement, les données que sont les personnages, leur équipement, des accessoires, des animaux de compagnie seront ancrés dans la blockchain qui gardera la trace de la propriété du joueur. Par des micro-transactions, ces derniers pourraient partager leurs données au sein du même jeu.
 
Ce qui soulèvera un certain nombre de questions qui sont généralisables, du reste, à la technologie blockchain au sens large :
  • Comment vérifier la capacité juridique de la personne qui cédera ces actifs numériques ? La pseudonymisation rend, en effet, difficile l’identification du joueur et donc la vérification de sa capacité à contracter ;
  • Quels seraient les recours ? Comment les conjuguer avec l’immutabilité de la blockchain ?
 
Les blockchains pourraient également favoriser la mise en place d’une communauté auto-gérée, dans laquelle les smart-contracts amélioreraient la transparence et la sécurité au sein de systèmes de vote dans les jeux. Certaines formes de tricherie pourraient être éradiquées et avec elles, un certain marché noir (par exemple, lorsqu'un certain bien est interdit, un marché noir se développe parfois pour permettre des transactions autour de ce bien).
 
La blockchain permettrait également d’offrir des contenus téléchargeables uniques et d’empêcher la fraude et la reproduction de ces actifs numériques. En effet, de plus en plus de joueurs achètent du contenu additionnel payant (DLC) et, sur ce point, la technologie blockchain pourrait avoir des apports considérables en terme d’unicité. La blockchain pourrait alors offrir aux gamers l’opportunité de disposer d’objets numériques de collection, uniques, non reproductibles, en toute sécurité.
 
Enfin, la blockchain permettrait de garantir aux joueurs qu’un tirage au sort est réellement aléatoire (« provably fair »). On pense notamment ici aux avantages majeurs que cela représenterait pour les  loot boxes (v. notamment, Touati A., Les microtransactions dans le monde des jeux vidéo, un modèle à réguler ? Actualités du droit, 23 oct. 2017 ; https ://www.gamekult.com/actualite/la-loot-box-entre-boite-mystere-et-boite-noire-3050799313.html), dont la polémique générée par le jeu Battlefront 2 d’Electronic Arts est encore saillante (v. https://www.gamekult.com/actualite/la-commission-des-jeux-de-hasard-de-belgique-enquete-sur-star-wars-battlefront-ii-et-overwatch-3050800011.html et https://www.gamekult.com/actualite/chez-les-developpeurs-la-prudence-est-desormais-de-rigueur-avec-les-loot-boxes-3050803069.html).

Restera à gérer la problématique de l’immutabilité de la blockchain et sa compatibilité avec le RGPD… Des problématiques qui, une nouvelle fois, ne sont pas propres à la blockchain dans le jeu vidéo.
 
Le développement de cryptomonnaies
L’autre enjeu porté par la technologie blockchain, c’est la « monnaie ». De nombreux jeux pourraient, demain, disposer de leur propre cryptomonnaie et proposer des portefeuilles numériques pour les stocker (ce qui est déjà le cas pour certains jeux : on peut citer par exemple, la monnaie BitCrystals). Avec, comme enjeu, l’émergence d’une seule « monnaie des gamers ».
 
Mais dès lors que ces cryptomonnaies pourraient s’échanger sur des places de marché, se posera la question de leur fiscalité...
Source : Actualités du droit