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Portail du justiciable : deux arrêtés pour encadrer la saisine en ligne

Tech&droit - Données
27/02/2020
Huit mois après deux textes qui ont permis le déploiement du portail du justiciable, rebelote avec deux autres arrêtés qui reviennent sur l'encadrement du traitement automatisé des données à caractère personnel et ouvrent une nouvelle fonctionnalité : la saisine en ligne. 
Rappelons brièvement que, début juin 2019, deux textes avaient préparé le déploiement du portail du justiciable, cette interface web chargée d’organiser la communication des informations relatives à l'état d'avancement des procédures civiles (Arr. 28 mai 2019, NOR : JUST1915427A, JO 6 juin ; Arr. 6 mai 2019, NOR : JUST1913143A, art. 3, JO 6 juin, v. sur ces deux arrêtés, Portail du justiciable : deux arrêtés précisent le cadre juridique et technologique, Actualités du droit, 7 juin 2019).
 
Ouverte depuis le 27 août 2019, cette plateforme « commence, pour Bruno Mazier, chef du service du numérique du ministère de la Justice, à trouver sa place. En pratique, 5 000 justiciables ont consenti à dématérialiser l’accès à leurs dossiers. C’est beaucoup et peu, à la fois. Notre ambition : plusieurs dizaines de milliers de personnes en 2020 » (Arnaud Mazier, chef du service du numérique du ministère de la Justice : « Justice.fr n’est pas uniquement le portail des justiciables, c’est également une plateforme qui permet d’offrir d’autres services aux administrés », Actualités du droit, 20 janv. 2020).
 
Une nouvelle brique vient d’être déployée sur ce portail. Fin février, le dispositif a en effet été modifié par deux autres arrêtés, qui détaillent les services disponibles sur ce portail et encadrent le traitement des données.
 
 
La saisine en ligne par le justiciable désormais possible, dans certains contentieux
L’un des arrêtés du 18 février 2020 (Arr. 18 févr. 2020, NOR : JUST2003823A) ouvre une importante fonctionnalité, qui s’ajoute au suivi en ligne de l’état d’avancement d’une affaire judiciaire possible depuis le lancement de ce portail.
 
Concrètement, il permet au justiciable à partir de son espace personnel sécurisé :
  • la consultation à distance de l'état d'avancement de son affaire judiciaire ;
  • l'accès à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures (avis, convocations et récépissés) ;
  • la transmission électronique à la juridiction de sa requête et de pièces.
 La nouveauté issue de ces arrêtés publiés en 2020 réside donc ici dans la possibilité pour le justiciable de gérer directement ses requêtes et l’envoi de pièces via cette plateforme. Autrement dit, les citoyens pourront désormais dans certains contentieux saisir directement en ligne un juge. Un pas important dans la dématérialisation des procédures.
 
En pratique, la réception de la requête génèrera automatiquement un avis électronique de réception à destination du justiciable, qui mentionnera la date de la saisine, le numéro de la saisine ainsi que la juridiction saisie. Un avis qui tiendra lieu de visa par le greffe, au sens de l'article 769 du Code de procédure civile (Arr. 18 févr. 2020, NOR : JUST2003897A).
 
Plusieurs petits oublis du précédent jeu d’arrêtés dans la liste des informations/ données à caractère personnel, sont corrigés avec ceux de février 2020. Intègrent cette catégorie :
  • l’indication de l’acceptation des conditions générales d’utilisation de la plateforme (cette acceptation des CGU n’était pas prévue par les arrêtés de 2019) ;
  • le numéro de dossier ;
  • la qualité de majeur protégé ;
  • le statut de la requête : brouillon, échec, envoyée, enregistrée ;
  • les éléments constitutifs de la requête ;
  • les pièces jointes complétant la requête ;
  • les éléments identifiant les tiers mentionnés dans la requête : civilité, nom, nom d'usage, prénom(s), raison sociale et forme juridique pour les personnes morales, le titre pour les autorités administratives.

Qui pourra avoir accès à quelles données ?
Les données déposées sur cette plateforme seront accessibles :
  • aux agents de greffe afin qu’ils puissent informer le justiciable, via le portail du service d'accueil unique du justiciable (SAUJ) ;
  • aux agents de greffe (et pas seulement ceux des SAUJ) et aux magistrats, pour qu’ils puissent consulter et enregistrer les requêtes numériques qui leur sont adressées et ceux individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe.
Sachant que le justiciable qui aura accepté de suivre son affaire via ce portail ne pourra, bien évidemment, avoir accès qu’aux « données qui y sont relatives », prend soin de préciser l’arrêté du 18 février (Arr. 18 févr. 2020, NOR : JUST2003823A). 
 
Durée de conservation des données : deux régimes différents
Les arrêtés de 2020 modifient en profondeur le régime de conservation des données. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il existe désormais deux régimes de conservation des données, selon leur usage :
  • consultation à distance de l'état d'avancement de son affaire judiciaire, accès à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures (avis, convocations et récépissés) et accès par les agents de greffe : conservation des données pendant toute la procédure, plus un an à compter de la date de la clôture du dossier ;
  • transmission électronique à la juridiction de sa requête et de pièces et consultation par les magistrats, pour la gestion des requêtes numériques :
    • les données des requêtes en ligne au statut brouillon sont conservées pendant une durée de trente jours (30 jours) à compter du jour où le justiciable a initié sa requête,
    • les données des requêtes en ligne au statut envoyée sont conservées pendant toute la procédure puis pour une durée de cinq ans (5 ans) à compter de la date de clôture du dossier.

Des changements également dans l’exercice de certains droits ouverts par le RGPD
Dans sa version issue de l’un des arrêtés de 2019, les mentions sur les droits d’accès, de rectification, sur le droit à la limitation ou encore le droit d’opposition étaient assez elliptiques, ce qui pouvait générer des interférences assez complexes dans une procédure.
 
L’application de ces droits vient d’être précisée, de manière à mieux cerner qui peut exercer quel droit, pour quelles fonctionnalités. Tout en prévoyant un exercice dématérialisé desdits droits.
 
Désormais, côté justiciable, pour la consultation à distance de l’avancement d’un contentieux et l’accès aux documents liés :
  • le droit d'accès « prévu à l'article 15 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD) susvisé s'exerce directement dans son espace personnel sécurisé » ;
  • le droit de rectification ne s'applique pas (conformément au f de l'article 23 du RGPD).
En revanche, dans le cadre de l'envoi de sa requête sous format numérique à une juridiction, ses droits d'accès et de rectification (ceux des articles 15 et 16 du RGPD) s'exercent directement dans le portail personnalisé et sécurisé, jusqu'à la transmission de sa requête à la juridiction (ce n’est donc plus possible après cette étape).

Précisons que l'un des arrêtés du 18 février 2020 (Arr. 18 févr. 2020, NOR : JUST2003823A) mentionne qu’il n’existe pas de droit :
  • d’accès et de rectification pour les autres personnes concernées par une requête (en application des f et j de l'article 23 du RGPD) ;
  • à la limitation et de droit d'opposition pour le justiciable comme pour les autres personnes visées supra (en application des f et j de l'article 23 du même règlement et des article 53 et 56 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) ;
  • à l’effacement (RGPD, art. 17, 3, b et e).
Enfin, l’arrêté du 18 février 2020 précise que ce portail sera également utile pour le recueil de statistiques.
Source : Actualités du droit