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Location type «Airbnb» et «changement d’usage illicite» : subtilités de mise en œuvre de l’article L. 631-7, alinéa 3, du CCH

Civil - Immobilier
05/12/2019

► En vertu de l’article L. 631-7, alinéa 3, du Code de la construction et de l’habitation, pour l'application de la présente section (laquelle a pour objet de soumettre, à autorisation préalable, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, dans les communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne), un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ; cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ; les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

► pour pouvoir se prévaloir d’un changement d’usage illicite, c’est à la commune qu’il incombe de rapporter la preuve d’une affectation des locaux à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ; étant précisé qu’est inopérante : 1°) la preuve d’un usage d’habitation postérieurement à cette date, 2°) ou encore l’incidence de travaux qui auraient été réalisés postérieurement à cette date et dont il ne serait pas soutenu qu’ils auraient fait l’objet d’une autorisation ;

Telles sont les précisions d’importance apportées par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans deux arrêts rendus le 28 novembre 2019 (Cass. civ. 3, 28 novembre 2019, deux arrêts, n° 18-23.769 et n° 18-24.157, FS-P+B+I).

Dans ces deux affaires, la Ville de Paris avait assigné en la forme des référés les propriétaires respectifs,  (jusqu’au 23 janvier 2017 dans la première affaire, jusqu’au 29 novembre 2016 dans la seconde affaire) de deux appartements situés à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ces locaux de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.

La Ville de Paris faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes.

♦ Dans la première affaire, elle soutenait que le local doit être considéré comme étant à usage d’habitation, non seulement dans l’hypothèse où il était affecté à l’habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l’hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l’usage d’habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d’habitation dès qu’il reçoit cette affectation ; aussi, selon la requérante, en décidant qu’une affection éventuelle à l’habitation postérieurement au 1er janvier 1970 était indifférente, les juges du fond avaient violé l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

Le raisonnement n’est pas suivi par la Cour de cassation qui, après avoir rappelé, conformément aux dispositions précitées, que «sont réputés à usage d'habitation les locaux affectés à cet usage au 1er janvier 1970», approuve la cour d’appel ayant, par une appréciation de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, retenu, souverainement, que l'affectation de ce bien à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970, contestée par le propriétaire en cause, n'était pas établie par la Ville de Paris et, à bon droit, que la preuve d'un usage d'habitation à la date du 23 janvier 2017 était inopérante, la cour d'appel en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d'un changement d'usage illicite au sens du texte précité.

♦ Dans la seconde affaire, la requérante soutenait qu'à la suite de travaux, effectués postérieurement au 1er janvier 1970, un local peut être réputé affecté à un usage d'habitation, indépendamment de la preuve de son usage à la date du 1er janvier 1970 ; aussi, selon elle, en s'abstenant de rechercher si, à la suite à des travaux effectués postérieurement au 1er janvier 1970 et mentionnés dans la déclaration H2, et dès lors que l'usage d'habitation ainsi que ces travaux étaient mentionnés dans cette déclaration, les locaux n'étaient pas réputés à usage d'habitation indépendamment de la preuve de leur usage à la date du 1er janvier 1970, les juges du fond avaient privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.

Là encore, les arguments ne sauraient convaincre la Haute juridiction, qui rappelle, conformément aux dispositions précitées, que les locaux faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel les travaux sont autorisés ; aussi, selon la Cour de cassation, ayant retenu, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, que la déclaration H2 déposée le 21 octobre 1980 ne prouvait pas que l'appartement en cause était à usage d'habitation au 1er janvier 1970, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative à l'incidence de travaux qui avaient été réalisés postérieurement à cette date et dont il n'était pas soutenu qu'ils avaient fait l'objet d'une autorisation, a légalement justifié sa décision.

♦ Pour terminer, on rappellera que le Conseil d’Etat, de son côté, dans une décision récente du 5 avril 2019 (CE 9° et 10° ch.-r., 5 avril 2019, n° 410039, mentionné dans les tables du recueil Lebon), a été amené à préciser, pour l’application de ces mêmes dispositions, que :

- en l'absence d'autorisation de changement d'affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu'il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date ;

- ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'attacher pareilles conséquences au constat, au 1er janvier 1970, de l'affectation d'un local à un autre usage que l'habitation.

 

Anne-Lise Lonné-Clément

Source : Actualités du droit