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Taxe sur les services numériques : la commission mixte paritaire s’accorde sur un texte

Tech&droit - Données
Affaires - Fiscalité des entreprises
28/06/2019
La commission mixte paritaire (CMP), réunie le 26 juin 2019, a trouvé un accord sur le projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés. Revue de détail des évolutions du texte et ce qui y figure, finalement.
Au pas de charge. Trois mois et demi auront suffi pour faire adopter par le Parlement la taxe pudiquement nommée « sur les services numériques », mais communément appelée « Taxe GAFA ». Un texte dont l’objectif était de définir une plus juste imposition des "géants du numérique".
 
Derrière l’objectif, à peu près partagé par bon nombre de parlementaires, des désaccords persistaient après le vote au Sénat le 21 mai 2019. Au final, certaines des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture ont été conservées. Sur d’autres points, des rédactions de compromis ont été trouvées.
 
Le Sénat a, en revanche, renoncé à limiter dans le temps l’application de la taxe.
   
Rappel sur le dispositif prévu
Ce projet de loi comprend quatre articles. Trois sur la taxe GAFA et un sur l’impôt sur les sociétés. Il prévoit ainsi :
  • la création d’une taxe sur le chiffre d'affaires que les grandes entreprises du numérique retirent de la valeur créée à raison du « travail gratuit » des utilisateurs français (TA Sénat n° 101, 2018-2019, art. 1er ; 1er bis et 1er bis A) ;
  • la modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés initialement votée dans la loi de finances pour 2018, afin de combler une part du besoin de financement résultant des mesures de soutien au pouvoir d'achat adoptées en décembre 2018 (TA Sénat n° 101, 2018-2019, art. 2).
Le Sénat avait, en mai dernier, voté conformes les articles 1er bis et 2. Restaient dans le débat et étaient, donc, au cœur de la CMP, les articles 1er et 1er bis A, relatif aux modalités de la « taxe GAFA » et l'article 3.
 
Les modifications issues du Sénat conservées
La commission mixte paritaire a conservé tel quel l’article 1er bis A, qui avait été introduit par le Sénat. L’objectif de ce texte : contraindre le Gouvernement à donner au Parlement les raisons de son refus de notifier la taxe sur les services numériques à la Commission européenne au titre des aides d’État.
 
Ce texte prévoit, en effet, qu’ « En l’absence de notification préalable de la taxe sur les services numériques prévue à l’article 299 du Code général des impôts à la Commission européenne en application de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Gouvernement remet, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement sur les raisons pour lesquelles la taxe précitée n’a pas été notifiée à la Commission européenne ».
 
Pour Albéric de Montgolfier, président de la commission des finances et rapporteur au Sénat de ce texte, « Le Gouvernement prendrait à mon sens un risque juridique inutile s’il persistait à ne pas notifier cette taxe novatrice à la Commission européenne au titre des aides d’État. Il devra à tout le moins justifier son choix devant la représentation nationale ».
 
Autre ajout conservé en CMP, les modalités pratiques de l’acompte unique (TA AN n° 2080, 2018-2019, art. 1er, III, 1° et 2°).
 
Les points d’évolution du texte
L’un des critères d’application de cette taxe repose sur la localisation des utilisateurs. Les sénateurs avaient introduit par amendement (TA Sénat n° 101, 2018-2019, amendement n° COM-20 ; TA Sénat n° 101, 2018-2019, amendement n° 65) le renvoi à un décret en Conseil d’État de la détermination des critères précis permettant de vérifier que la consultation d’une interface numérique se faisait bien au moyen d’un terminal situé en France. Exit cette précision dans le texte de compromis trouvé en CMP et donc plus de décret à prévoir sur ce point.
 
Est également supprimé le point II bis (TA AN n° 2080, 2018-2019, art. 1er , II bis), autre ajout du Sénat, dont l’objectif était de permettre aux redevables d'imputer le montant de taxe sur les services numériques acquitté sur le montant de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), un impôt de production assis sur le chiffre d'affaires, dont ils sont redevables (allègement des conséquences négatives pour la trésorerie des entreprises et anticipation d’une double taxation de leur chiffre d’affaires). Était ainsi inséré un douzième alinéa à l’article L. 137-33 du Code de la sécurité sociale qui prévoyait que : « Les redevables de la taxe prévue à l’article 299 du Code général des impôts peuvent déduire de la contribution, dans la limite de son montant, la taxe qu’ils ont acquittée au titre de l’année pour laquelle la contribution est due ». Mais ce dispositif a été supprimé en commission mixte paritaire (ainsi que sa compensation prévue à l’article 1er , VI du projet de loi voté par le Sénat).
 
Un dispositif sous surveillance
Pas moins de trois rapports encadrent l’application de ce texte de loi :
  • un rapport sur les négociations conduites au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour identifier et mettre en œuvre une solution internationale coordonnée destinée à renforcer l’adéquation des règles fiscales internationales aux évolutions économiques et technologiques modernes (TA AN n° 2080, 2018-2019, art. 1er , V) ; son échéance : avant le 30 septembre de chaque année ;
  • un rapport sur les raisons de la non-notification préalable à la Commission européenne de cette taxe (TA AN n° 2080, 2018-2019, art. 1er bis A) ; son échéance : trois mois à compter de la promulgation de la loi ;
  • un rapport sur les résultats de cette nouvelle imposition et son impact économique (TA AN n° 2080, 2018-2019, art. 3) ; son échéance : avant le 30 septembre de chaque année, à compter de 2020.
Un entre-deux, c’est finalement ce qu’est cette nouvelle taxe. La grande étape, ce sera bien entendu la prise de position de l’OCDE (v. Fiscalité du numérique : un pas important franchi par l’OCDE, Actualités du droit, 3 juin 2019), avec cette précision  optimiste ou réaliste, selon les opinions, que le terme de ces travaux pourrait intervenir en 2020.
Source : Actualités du droit