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Cession d’actifs immobiliers : la Chambre des notaires de Paris mise sur l’intelligence artificielle

Tech&droit - Intelligence artificielle
03/03/2020
Nul n’ignore la difficulté à gérer les milliers de pages de datarooms lors de cessions d’actifs immobiliers un peu complexes. Ce qui explique que la Chambre des notaires de Paris se soit associée à une legaltech, Hyperlex, pour optimiser la gestion de ces documents.
Après la dématérialisation des actes, les notaires passent désormais à la dématérialisation de dossiers dont la documentation devient de plus en plus lourde. Toujours avec cette idée que plus on dématérialise, plus on sécurise.
 
 
L’intelligence artificielle, aide au renforcement de la sécurité juridique des datarooms
C’est aussi une nouvelle étape dans le recours à l’intelligence artificielle par la Chambre des notaires de Paris. Rappelons, en effet, le projet VIDOC qui a duré dix mois, de mai 2017 à mars 2018 (v. TechNot 2019 : focus sur l'avancement des projets de digitalisation menés par la Chambre des notaires de Paris, Actualités du droit, 22 oct. 2019) qui a permis de traiter des millions d’informations de la Direction générale des finances publiques (en tout 2,5 millions de fichiers et plus de 10 millions de pages, avec des informations confidentielles nécessitant d’être occultées lors de la consultation). Ce projet a débouché sur la création d’une base de données immobilières qui référence l’usage de tous les biens immobiliers localisés à Paris. Une base, très utile aux notaires, qui a été consultée depuis plus de 400 000 fois. Cette application avait alors été possible grâce à un algorithme développé par une legaltech, Hyperlex.
 
De quoi s’agit-il avec ce projet VictorIA ? L’enjeu porte cette fois sur un autre type de données : celles issues des quelques milliers de datarooms organisées par les notaires pour gérer les cessions d’actifs immobiliers. Et à l’heure du déploiement du Grand Paris, le projet est d’importance.
 
Concrètement, les échanges de pièces à l’occasion de ces opérations immobilières représentent un volume de documents en augmentation constante. Ce qui n’est pas toujours simple à gérer. Et ces données une fois déposées ne sont pour l’heure pas exploitées autant qu’elles le pourraient.
 
L’objectif du recours aux algorithmes de l’IA est donc non seulement de permettre l’identification puis la classification de ces documents, mais également l’extraction automatique de contenus pertinents. Des contrôles de cohérence entre telles ou telles clauses ou type d’information seront possibles, ce qui fournira au notaire une aide efficace et in fine, renforcera la sécurité juridique de ces opérations. « Le projet VictorIA chercher précisément à s’attaquer aux enjeux de sécurité juridique, d’efficacité opérationnelle liée à cette masse documentaire nécessaire mais croissante » souligne Bertrand Savouré, président de la Chambre des notaires de Paris. La documentation n’est plus uniquement juridique, mais aussi technique (promesse de vente, permis de construire, devis de travaux, factures, notes techniques des architectes, conditions générales, couvertures d’assurance, etc.). « Notre objectif consiste à utiliser la puissance d’un algorithme d’intelligence artificielle pour assister les offices dans diverses missions, à la gestion de ces documents, avec l’idée de progresser régulièrement dans la valeur ajoutée de ces tâches ».
 
Un projet qui s’appuie sur deux atouts : la mobilisation du notariat parisien et l’accès à un volume important de données, indispensable pour entraîner l’algorithme. Un « projet révélateur pour Bertrand Savouré, de ce que doit être aujourd’hui une politique de développement dont les bénéfices interiendront dans un à trois ans, pour l’ensemble de la profession de notaire ».
 
Précisons que VicorIA est cofinancé par la Banque des territoires dans la phase d’étude et de proof of concept (POC), à hauteur de 50 000 euros.
 
Les étapes de déploiement de ce projet
Quelles sont les prochaines étapes de ce projet ? Stéphane Adler, vice-président de la Chambre des notaires de Paris, précise que « le premier chantier de l’IA sera d’identifier ces documents, puis les classer ; un chantier de taille vu la complexité et la diversité de ceux-ci ». Et « si ces premières étapes d’identification automatique d’un acte de vente, de permis de construire, de baux commerciaux, etc., sont franchies, alors le projet VictorIA continuera avec la perspective de recherche de clause, d’audits de documents et peut-être l’audit de process beaucoup plus complexes ». Un projet de recherche et de développement ambitieux et à tiroir, donc.
 
Alexandre Grux, le CEO d'Hyperlex, explique ainsi que « ce sont en fait une succession d’outils d’intelligence artificielle qui vont être mis en œuvre dans le cadre du traitement utilisé pour le projet VictorIA, une cascade extrêmement complexe d’intelligences entraînées à réaliser une tache très précise qui sont ensuite coordonnées et associées pour rendre le service final au notaire » (passage du scan/pdf au texte par « océrisation », intelligences artificielles sémantiques, etc.). L’intelligence artificielle travaille sur des données d’apprentissage (des données brutes complétées d’un étiquette ou label, qui permet de qualifier l’information à retenir), qui font nécessairement intervenir des experts. Cette étape importante permet d’aboutir à un modèle entraîné qui aura ainsi appris des exemples (apprentissage supervisé). La dernière tâche, l’inférence, permet d’embarquer cette intelligence artificielle dans des services comme l’espace notarial : à ce stade, l’intelligence artificielle sera à même de déduire l’étiquette associée à un fichier et ce, à très grande échelle.
 
Concrètement, un premier lot de documents va être annoté et analysé par les data-scientistes d’Hyperlex pour s’assurer que la précision des résultats obtenus après traitement apporte satisfaction aux notaires. Les études partenaires de ce projet VictorIA ont donc vocation non seulement à apporter des données brutes qui vont servir de matière première à l’analyse mais, également, à intervenir dans la labellisation de ces données. Un important travail va devoir être effectué sur les clauses dont la nomenclature n’est pas définie, afin d’aboutir à un référentiel unique. Et l’exercice est particulièrement délicat pour certains documents comme les permis de construire, pour lesquels il n’existe pas de nomenclature-type. Mais Hyperlex va pouvoir capitaliser, notamment, sur son retour d’expérience issu du déploiement de VIDOC.
 
« Dans les mois qui viennent, nous aurons déjà des résultats et l’objectif c’est de transformer ces résultats en produits, internalisables par chaque office », souligne le président de la Chambre des notaires de Paris. Prochain rendez-vous concret en juin 2020, avec un premier point d’étape.
Source : Actualités du droit